Miguet,
le tout petit Berlusconi
par Xavier
Molénat - publié le 04/04/02 - Réagir
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Recalé après avoir bluffé sur ses signatures, Nicolas
Miguet est un drôle de petit candidat : patron de presse, ultralibéral,
populiste... Il ne nous manquera pas.
Il a surpris son monde, le Miguet. Strictement inconnu
pour l'immense majorité de la population, le candidat du Rassemblement
des Contribuables Français avait annoncé mardi 2 avril qu'il tenait en
sa possession 508 signatures de maires. Mieux que Le Pen ! Nicolas Miguet,
du RCF, serait présent au premier tour, alors que le poids lourd Pasqua
resterait sur la touche. Lors de l'annonce du dépouillement officiel,
le Conseil constitutionnel a ramené ce soir le phénomène à de plus justes
proportions, en révélant que le petit candidat prodige n'avait en fait
que 261 parrainages valides... Exit donc le Miguet, et c'est sans doute
finalement heureux. Businessman averé, Miguet, outre qu'il proposait un
programme des plus simplistes, semble être un personnage des plus louches.
Business plante
S'il est prompt à pourfendre les élites énarques, Nicolas Miguet a obtenu
son diplôme de Sciences-Po Paris au début des années 80. A peine sorti
de cette grande école, il a investi le secteur professionnel qui est encore
le sien aujourd'hui : la bourse. D'abord journaliste à travers plusieurs
publications, il prend peu à peu ses aises et se lance dans la création-relance
de titres. En 1995, il reprend en association le Quotidien de Paris, alors
en décrépitude. Le quotidien publiera son dernier numéro en novembre 1996.
Miguet continue pourtant dans la presse son bonhomme de chemin, parfois
tortueux : En 1999, il lance un journal intitulé "Minute l'Hebdo", qui
fait expressément référence à l'hebdomadaire d'extrême-droite "Minute",
alors que ce dernier, en difficulté, n'avait même pas encore été liquidé.
En clair, Miguet a usurpé le titre d'une publication qui ne lui appartenait
pas. Sympa. Depuis, "Minute l'hebdo" est devenu "L'Hebdo" tout court,
et se concentre essentiellement sur l'information boursière. On y revient
toujours... On y revient, et on s'étend même. Miguet investit tous les
médias pour vendre ses conseils boursiers : des livres ("Bourse : Comment
choisir les valeurs qui gagnent ?"), un site (bourse.fr), et même... un
service audiotel, qui vous facture 1,35 euro par appel, puis 0,34 euro/minute
! Tout ça pour entendre un ersatz de Jean-Pierre Gaillard vous débiter
la liste des derniers cours et deux trois avis "autorisés". Rentable !
Zéro impôts
Une fois qu'on a dit ça, on pressent que le type n'a pas le coeur franchement
à gauche. Et effectivement, l'homme a les idées de son métier. Son idée
force : "Moins d'impôts maintenant !". C'était déjà son slogan lors des
Européennes de 1999, où la liste qu'il menait avait recueilli 1,77 % des
voix. En gros : il ne resterait que trois tranches d'imposition pour l'impôt
sur le revenu dont la plus haute, qui concerne les revenus annuels supérieurs
à 100 000 euros, serait plafonnée à 25 %. Cette réduction extrême de l'impôt
socialement le plus redistributeur s'accompagnerait d'une baisse drastique
de la TVA (divisée par 4) et de la suppression de la Contribution sociale
généralisée (CSG), de la révision des droits de succession et, cerise
sur le gâteau, de l'impôt sur les bénéfices des sociétés. L'ambition est
claire : moins d'Etat, pour "libérer les énergies".
Droite de la droite
Cette politique ultralibérale, qui ferait passer Alain Madelin pour un
dinosaure chevènementiste, s'accompagne aussi d'un brin de populisme :
pour économiser, Miguet propose de réduire le nombre de parlementaires,
de supprimer les départements et de revoir le nombre de conseillers municipaux
à la baisse. A la hausse : police et justice, naturellement. Chassant
sur les terres de la droite de la droite, il glorifie aussi la "citoyenneté
française" : "On ne doit plus devenir Français par hasard ou par inadvertance,
à l’occasion d’un anniversaire". Miguet n'hésite pas à faire des petites
phrases sur les "bateaux" d'immigrés qui viendraient par des "filière"
mafieuses" s'échouer sur les côtes de la France qui leur accorderait "immédiatement"
un "asile pseudo-politique". Les sans-papiers apprécieront, tout comme
sa politique pour "l’assimilation des population allogènes", qu'il voudrait
voir "prêter solennellement serment sur le code civil et la Constitution,
devant notre drapeau, de servir notre pays en respectant ses lois et ses
coutumes et aussi de renoncer à toute autre allégeance (double citoyenneté
interdite)".
Silvio, ce héros
S'il devait avoir un modèle en politique, Miguet choisirait en fait sûrement
Silvio Berlusconi. Dans une interview à "La Voix du Nord", il s'extasie
en effet sur le premier ministre italien et affirme comme lui vouloir
"gérer la France comme une entreprise". Dans la même interview, il se
montre aussi humaniste que le magnat de la presse italienne, à propos
des clandestins retenus à Sangatte : "Ce n’est pas Soljenitsyne qui frappe
à notre porte." On aura reconnu là le vieux topo poujadiste de la droite
dure, populiste et anti-parlementaire. Quand on le fait réagir au téléphone,
Nicolas Miguet dit représenter "la France profonde, celle qui en a marre
de se prendre des coups sur la figure" et souhaiter que "la société civile
entre en politique". Les gens de son parti ? "Des gens ordinaires, qui
n'ont rien à voir avec ceux qui rentrent dans les partis pour décrocher
la légion d'honneur". Au second tour, Miguet "ne votera pas pour un candidat
de l'énarchie" : "Je ne choisirai pas entre blanc bonnet Jospin et bonnet
blanc Chirac."
"Loup blanc des tribunaux"
Reste que Miguet semble bien moins "droit" que son programme. Jacques
Cheminade, un autre petit candidat électron libre, a porté plainte contre
lui, pour "diffamation, refus d'insertion de droit de réponse et chantage".
Christine Labierre, porte-parole du candidat de Solidarité et Progrès,
rapporte que Nicolas Miguet aurait fait publier dans son journal "L'Hebdo"
des 20 février et 6 mars 2002, des informations présentant Jacques Cheminade
comme un chef de sectes. Miguet aurait ensuite envoyé ce journal à des
maires, susceptibles d'être sollicités pour des soutiens, et aurait refusé
d'insérer le droit de réponse exigé par Cheminade, qui ne sera finalement
pas non plus admis au premier tour. Selon Christine Labierre, "Miguet
est connu comme le loup blanc dans les tribunaux" et aurait au moins six
affaires en cours contre lui. Des condamnations antérieures ont été effacées
par une amnistie en 1995. A la mairie de Verneuil-sur-Avre, où Miguet
a siégé en tant que conseiller municipal entre 1989 et 1999, un adjoint
tient à aussi rappeler, tout en restant extrêmement prudent, que contrairement
à ce qu'avait dit le candidat dans plusieurs meetings, le RCF ne l'avait
pas emporté aux dernières municipales...
Miguet ne devrait pas nous manquer pour la suite de l'élection.
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