Verts
- PS : L'atome de discorde
par Xavier
Molénat - publié le 28/03/02 - Réagir
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Une petite phrase de Jospin a fait bondir Mamère. A
quelques jours du premier tour, cette polémique sur le nucléaire cache
une question "centrale" : l'avenir de la gauche plurielle.
Dieu que c'est dur de faire tenir une "gauche plurielle"
! A mesure que le premier tour de l'élection présidentielle approche,
les tensions augmentent, notamment entre le Parti socialiste entre les
Verts. Le week-end dernier fut particulièrement révélateur : lors d'une
rencontre avec la presse régionale, une "petite phrase" de Jospin, affirmant
qu'il n'était "pas pour que la France renonce au nucléaire", avait mis
le feu aux poudres chez les écologistes. Piqué au vif, Noël Mamère affirmait
qu'il voyait là une "provocation" et une "déclaration de guerre". Selon
le candidat écologiste, Jospin avait voulu faire "un geste qui est typiquement
politicien aux chevènementistes et aux communistes français, qui ont toujours
été des partisans acharnés du nucléaire". Noël Mamère contre-attaquait
donc en faisant comprendre qu'il conseillerait à ses "amis verts" de ne
pas participer au gouvernement d'un candidat qui ne reviendrait pas sur
ses positions quant au nucléaire. Ambiance.
Sortir... pas trop vite
La polémique était ensuite quelque peu retombée. Après que Jospin ait
feint l'étonnement et rappelé qu'il ne s'était jamais engagé à abandonner
le nucléaire, les candidats Vert et socialiste admettaient qu'il n'y avait
pas eu d'accord précis sur cette question. Noël Mamère précisait aussi
qu'il ne demandait pas "la sortie du nucléaire demain matin", mais visait
plutôt "une sortie en 20 ou 25 ans". L'affaire s'était close sur cet apaisement.
Fusion contre fission
Il reste qu'aucun accord électoral entre écologistes et socialistes n'est
conclu pour l'instant. Et que l'un des gros points de discorde est et
sera la question du nucléaire. Pour Anne Le Strat, secrétaire nationale
et adjointe déleguée aux régions des Verts, "le nucléaire a toujours été
un point de désaccord entre les deux formations. Et les récentes déclarations
de Christian Pierret n'ont fait qu'augmenter les divergences". A la mi-janvier
en effet, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'Industrie, écrivait
dans une lettre accompagnant un rapport remis au Premier Ministre, qu'il
était "à titre personnel (...) absolument persuadé qu'une décision rapide
devra intervenir en ce qui concerne la construction d'une installation
pilote" afin de relancer le "réacteur du futur", dit EPR (European Pressurized
Water Reactor). Autrement dit : nucléaire toute !
Divorce à gauche ?
Renforcer l'énergie atomique est une position évidemment intenable pour
les Verts. Et de fait, les premières négociations entre écologistes et
socialistes ont entre autres achoppé sur l'avenir énergétique de la France.
Le 16 février, l'Assemblée générale des Verts, réunie à Nantes, avait
d'ailleurs adopté une motion constatant que "l'importance des divergences
programmatiques (...) n'autorisent pas en l'état la conclusion d'un accord
législatif avec participation gouvernementale". Sur ce point, Anne Le
Strat tient à rester ferme : "La motion du 16 février prend acte de désaccords
de fond. Aujourd'hui, les conditions ne sont pas réunies pour une participation
des Verts au gouvernement. Cette position a été votée et ne fait d'ailleurs
pas l'objet de débats en interne".
Politique de dissuasion
En se montrant prêts à lâcher une bombe sur Jospin l'atomique, les Verts
pratiquent aussi la politique de la dissuasion. Pour Maryse Arditi, porte-Parole
des Verts, l'essentiel se jouera en effet entre les deux tours. "Nous
sommes bien conscients que les communistes et Chevènement sont pro-nucléaires.
Au Parti socialiste, les positions sont plus mitigées, moins 'à la hache'.
Certains membres commencent à réfléchir. On pensait simplement que Jospin,
plutôt "pro-nucléaire", se tairait sur la question pour ménager tout le
monde. C'est le fait qu'il ait pris aussi clairement position (en faveur
du nucléaire) qui a entraîné cette réaction de Noël Mamère". Comme ce
dernier, elle précise que les Verts n'exigent pas "la sortie du nucléaire
en tant que tel" : "Dans les négociations, on avait mis des mesures qui
balisaient un chemin vers la sortie du nucléaire : gros efforts sur les
économies d'énergie, report des crédits de recherche du nucléaire vers
les énergies renouvelables, arrêt des centrales les plus vieilles, etc.
Ces mesures sont autant d'étapes, irréversibles, pour sortir, à terme,
du nucléaire.", explique la porte-parole du parti écologiste. Et dans
le bras de fer qui s'annonce, les Verts se veulent confiants : "De toute
façon, Jospin sait que l'avenir est de notre côté."
Electorat "volatile"
Pour la porte-parole des Verts, "le candidat socialiste se dessert lui-même
avec cette polémique. Non pas tant vis-à-vis du parti lui-même, mais surtout
vis-à-vis de l'électorat vert, très volatile : s'il campe sur ces positions
pro-nucléaires, les gens qui auront voté Mamère ne le suivront pas". Ce
genre de menace à peine voilé doit aller droit au coeur d'un candidat
socialiste qui sait comme tout le monde que le deuxième tour s'annonce
un des plus serrés de l'Histoire... Les Verts attendent donc sagement
l'après-premier tour : "De toute façon on rencontrera forcément Jospin,
et on négociera, annonce Maryse Arditi. C'est là que ça va se jouer, et
il a tout intérêt à être crédible". Les alliés verts de Jospin l'attendront
au tournant, prêt à appuyer sur le bouton...
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