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Larrouturou, un inconnu pour une "nouvelle donne"

par Xavier Molénat - publié le 19/03/02 - réagir à cet article sur le forum

Semaine de 4 jours, loi d'initiative citoyenne, Etats-Unis d'Europe... Pierre Larrouturou mène une vraie campagne, dans l'indifférence quasi-totale. Mais que veut donc le candidat de la Nouvelle Donne ? Article et interview.

Larroutuqui ? Pierre Larrouturou parle sans complexe de son "statut de petit candidat au nom imprononçable". Depuis le 24 janvier, ce Béarnais de seulement 37 ans mène en effet campagne dans une relative indifférence. Ingénieur agronome de formation, passé par Sciences-Po Paris, Larrouturou a fait son entrée en politique au Parti Socialiste, à la fin des années 80. Et si son séjour au PS lui a servi, c'est plutôt en négatif : ambition personnelle, verrouillage du système et double langage ont refroidi ses ardeurs militantes avant le coup de grâce, le "gâchis des 35 heures" et de la loi Aubry. Si Larrouturou quitte logiquement le PS, cette déception ne l'a rendu que plus pugnace. En plus de son job de consultant, il se considère depuis 10 ans "en réserve de la démocratie" et "travaille à transformer ses indignations en projets." Le point d'orgue de ce parcours survient en 2001, avec la création du parti La Nouvelle Donne et la publication d'un livre au titre explicite : "La gauche est morte, vive la gauche".

Dur dur d'être petit
"Idéaliste réaliste" autoproclamé, Larrouturou essaie donc aujourd'hui de mener sa propre voie, et se montre très critique vis-à-vis de la gauche plurielle, à qui il reproche d'avoir "renoncé à changer la vie". Avec son parti qui compte d'autres anciens socialistes, il est parti à la pêche aux 500 signatures et rame un peu, comme il le reconnait lui-même, pour obtenir la centaine de soutiens qui lui manque. Pour faire passer son message dans les médias, Larrouturou n'a eu que deux minutes sur France 2. Pugnace, il a fini par engager la semaine dernière, une procédure auprès du Conseil d'Etat pour tenter de faire respecter par le CSA une égalité de traitement de tous les candidats dans les médias. Réponse de la Haute Autorité : vous n'avez pas les 500 signatures, rien ne légitime votre demande... Pas facile d'être un tout petit candidat. Et c'est même d'autant plus dur que le bonhomme, on ose à peine le dire, semble avoir quelques... idées. Oui, le gros mot est laché : dans une campagne que l'on ne peut pas ne pas qualifier de terne, Larrouturou est l'un des rares candidats qui donnent envie de discuter concrètement d'un programme.

Semaine de 4 jours
Ambitieux, Larrouturou a baptisé son programme la "Nouvelle Donne Sociale". Parmi le "pack" d'idées qu'il propose, une mesure-phare : la semaine de 4 jours, soit 32 heures. Précurseur en matière de réduction du temps de travail, Larrouturou a déjà écrit un livre intitulé "Du Temps pour vivre" sur ce sujet, inspiré le député UDF De Robien pour sa loi, ancêtre des 35 heures, et même présenté plusieurs listes dédiées. Aux législatives de 1997, la liste "Union pour la semaine de 4 jours" recueille 120 000 voix, et, deux ans plus tard, "L'union S4J" remporte 180 000 suffrages aux européennes. Son modèle prévoit aussi une année sabbatique tous les 9 ans et 42 années de cotisation retraites. Rien que ça ! Larrouturou se réclame de l'expérience de 400 entreprises qui, comme Wolkswagen, sont déjà passés au 32 heures. Selon lui, "en projetant les résultats obtenus, on estime qu'un mouvement général vers les 4 jours créerait au minimum 1 300 000 emplois en CDI 'plein temps', sans parler des métiers émergents autour du temps libre, de l'impact sur la croissance qu'aurait la hausse du pouvoir d'achat de 1 300 000 familles". Le financement ? Exonération de cotisations chômage pour l'entreprise sous condition d'embauche (ce que ne prévoyait pas la loi Aubry), baisse de 3 % des salaires... C'est pas les lendemains qui chantent certes, mais ça semble argumenté.

Ecris ta loi !
Au-delà de la semaine de 4 jours, Larrouturou a élaboré un programme foisonnant avec la lutte contre la précarité, les rapports nord-sud et l'environnement comme thèmes forts : annulation de la dette du tiers-monde, réintroduction de la proportionnelle à l'Assemblée nationale, création du principe constitutionnel d'homogénéité des conditions de vie pour pallier les disparités entre communes, initiation des Etats-Unis d'Europe, etc. etc. Son énergie est à la mesure de son dégoût de la classe politique actuelle, qu'il juge "incapable". Pour "reprendre le pouvoir législatif" et rapprocher les électeurs de la politique, il a donc imaginé une autre grande mesure : la "Loi d'initiative Citoyenne". Principe : un projet de loi signé par 300 000 citoyens sera obligatoirement examiné par le Parlement, dans un délai de deux ans, avec naturellement possibilité de le modifier, de l'amender, etc. Le but : combler le "gouffre" entre gouvernants et gouvernés. Pourquoi pas ?

Consulting social
Tant d'enthousiasme peut bien sûr susciter les critiques. On peut par exemple se demander s'il n'y a pas d'autre solution pour sauver nos retraites que d'allonger la durée de cotisation ou s'il n'est pas illusoire voire démagogique de croire que les citoyens vont retrouver le pouvoir en rédigeant leurs propres lois. Du côté de la "gauche de la gauche", on note aussi que l'homme, épris de justice sociale, est loin de rompre avec les mécanismes du marché. D'ailleurs, sa carrière professionnelle s'est en grande partie déroulée chez Arthur Andersen, grand cabinet mondial de conseil aux entreprises aujourd'hui emporté par la faillite d'Enron, où il passait ses journées à travailler sur des problèmes de productivité. On est donc loin du grand soir... En fin de compte, Pierre Larrouturou semble croire aux vertus d'un libéralisme à dimension éthique, où les "fins" du système serait définies collectivement. La solution serait donc dans la société civile, les partenaires sociaux et les associations comme ATD Quart-Monde où il a passé une année sabbatique, ATTAC ou Droit au Logement, avec lesquels il a travaillé pour son programme. Comme pour sa liste aux élections européennes de 1999, l'idéaliste-réaliste pense même qu'il est possible de réunir patrons et syndicalistes dans une même salle pour discuter. Eh bien discutons.

INTERVIEW
Pierre Larrouturou, Nouvelle Donne
"C'est pas en améliorant la bougie qu'on a créé l'ampoule !"

Qu'avez-vous pensé du programme Jospin ?

Je ne l'ai pas lu en entier, puisque j'étais en déplacement. Je n'en sais donc que ce qu'en disent les journaux. Mais globalement, je ne vois pas de changement, on continue à coller des rustines sur des problèmes très graves. La crise est beaucoup plus grave que ce que veut bien en dire le PS. Il y a toujours 3,8 millions de personnes au chômage, 4 millions de précaires, 600 000 paysans ont quitté le métier et sur tous ces points je trouve Jospin très léger. Quand il annonce une baisse du chômage de 900 000, il se base sur quoi ? Au sommet de Barcelone, il vient d'être décidé de repousser l'âge de la retraite de cinq ans : ça fait 3,5 millions de personnes en plus sur le marché du travail ! Jospin table sur une baisse de la démographie à partir de 2006, mais là encore il semble faire preuve, pour reprendre sa propre expression, d'une grande naïveté.

Il y a des mesures pour les retraites...

C'est idem : il annonce une "conférence des partenaires sociaux" sur la question. En gros, il refile la patate chaude aux partenaires sociaux. Qui eux mêmes la refilent aux politiques : on se souvient que le MEDEF et la CFDT avaient conjoitement appelé, en février 2001, les politiques à "prendre leur responsabilité". Pendant ce temps, le Deficit annuel prévisionnel de l'ensemble des régimes de atteint plus de 1300 milliards d'euros, et la réforme Balladur d'Août 1993 a déjà fait baisser le niveau de vie des retraités de 15-20 %. On continue de se moquer du monde, puisque le système fonctionne sur des schémas dépassés : aujourd'hui, on étudie en moyenne trois de plus que dans les années 70, et on vit cinq ans plus longtemps.

Que proposez-vous ?

Je propose une réforme qui consiste à travailler moins, mais plus longtemps. Pour les générations nées après 1960, je propose d'allonger la durée de cotisation pour les retraites à 42 ans, avec un plafond à 65 ans. Autrement dit, celui qui a travaillé jusqu'à 65 ans a de toutes façon droit à sa retraite à temps plein. Et tout le monde bénéficierait des quatre jours.
Je crois que c'est la seule solution. Jacques Barrot, ancien ministre du travail, dit de moi que je suis un des "meilleurs experts sur la question", mais il se demande pourquoi je préconise des solutions aussi radicales. Je lui pose la question : si sa fille est atteinte d'une grave maladie, est-ce qu'il préfère qu'on la soigne au bistouri ou à l'aspirine ? Je ne crois pas qu'il y ait de solution miracle : si on veut sauver les retraites, il faut allonger la période de cotisation et travailler plus longtemps.

Une autre de vos mesures phares, c'est la Loi d'Initiative Citoyenne...

Oui. Elle s'inscrit dans le cadre d'une réforme de la démocratie. Le problème est qu'on a localement des initiatives intéressantes, dans les domaines de l'éducation, de l'agriculture, etc. Mais dès qu'il s'agit de faire remonter ça au niveau national, on se heurte à des blocages. Moi-même, quand je discute de mes propositions, par exemple avec Jean-Pierre Raffarin (Sénateur DL de la Vienne, investi dans la campagne de Jacques Chirac et potentiel premier ministre, ndlr), il me dit : "c'est vraiment intéressant, on pourrait les reprendre si seulement on avait pas les ultra-libéraux"... Bref, au niveau des partis, dès qu'il s'agit d'avoir du courage, de faire oeuvre de pédagogie et de lutter contre les lobbys, il n'y a plus personne.
Je crois donc qu'il faut partager le pouvoir, et que ce ne soit plus les 15 technocrates tout en haut qui décident de tout. La Loi d'Initiative Citoyenne, c'est le moyen de faire remonter les initiatives locales intéressantes. Quand elle est soutenue par 300 000 citoyens, ses promoteurs ont droit à cinq minutes au journal sur chaque chaîne télévisée, la loi est inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée, qui a deux ans pour se prononcer. On pourrait ainsi aboutir à un partage du travail parlementaire : le budget pourrait à la fois tenir compte des orientations du Ministère des Finances et des revendications des profs de ZEP ou des paysans. Et le Parlement cesserait aussi d'être la chambre d'enregistrement des décisions du pouvoir exécutif.

Ce sont des mesures intéressantes, mais quelle est la cohérence du projet global ? Vous ne parlez pas de la culture par exemple.

Attention, tout ne se trouve pas sur mon site, mais mon livre développe un projet global. Cependant, il est vrai que nous n'avons pas réponse à tout. Nous nous sommes concentrés sur quelques domaines principaux, mais si nos idées sur l'Europe, la démocratie, les relations Nord/Sud étaient appliquées, tout irait déjà mieux. Ensuite, nous avons un véritable projet culturel. Par exemple, la question de la réduction du temps de travail possède une dimension culturelle : on va toucher aux rythmes scolaires, aux temps d'éducation. On libère du temps, ce qui peut créer une envie de culture sur laquelle on peut travailler. Il faudra également travailler sur l'accès à la culture : est-ce qu'elle doit être accessible au plus grand nombre ou reservée à une élite ? On voit donc qu'il y a un vrai débat de société à mener autour du temps libre. On l'a vu en 1936 : lors de l'introduction des congés payés, les gens n'étaient pas immédiatement prêts pour profiter de ce temps libre, il a fallu l'organiser.

Vous avez tout d'abord été socialiste...

Oui, j'ai fait partie des jeunes rocardiens pendant trois ans à la fin de mes études, de 1988 à 1991.

Qu'en avez-vous retiré ?

Tout d'abord que la politique est indispensable, qu'il y a un besoin de politique, et qu'il ne faut pas se recroqueviller sur son travail et sa sphère privée. Mais j'ai été déçu par l'absence de débat, si bien que je me suis finalement tourné vers l'ONG ATD-Quart Monde, où je colportais des livres le samedi après-midi, pour des enfants qui n'avaient jamais l'occasion de lire.
Là encore j'étais insatisfait, parce que par rapport à l'évolution économique globale, ce travail de militant revenait à vouloir vider la mer avec une petite cuillère ! Donc je crois que ce dont a besoin la politique, c'est de gens qui n'ont pas nécessairement envie de faire carrière , qui ne soient pas cyniques ou corrompus.

Mais en même temps, vous n'êtes pas un "anti-capitaliste". Vous avez travaillé chez Andersen...

Oui, et j'ai été licencié pour désaccord sur les questions sociales ! Mais effectivement, je crois que les patrons et les syndicalistes peuvent discuter ensemble. Comme sur la liste que nous avons présenté aux élections en 1999, où se sont réunis 10 patrons et 10 syndicalistes qui pensaient qu'il n'y avait pas que le business dans la vie. Des gens qui pensent que l'économie a une dimension éthique et qu'on ne peut pas continuer comme ça avec un système qui exclut un tiers de la population. Ne serait-ce que parce qu'à terme ce serait dangereux pour le système lui-même.

Ce qui ne vous empêche pas de travailler avec des associations comme ATTAC ?

Pas du tout, je crois qu'il y a de bonnes idées chez ATTAC. Par exemple, la taxe Tobin, je suis tout à fait pour. Elle pourrait être affecté à un budget européen qui financerait une diplomatie et une défense européenne : en effet, 15 diplomaties et 15 défenses nationales qui se côtoient, ça n'a pas beaucoup de sens. Et si vous en discutez, même au MEDEF ils sont d'accord au fond ! Je ne suis ni conservateur, ni libéral : je constate que le libéralisme engendre des inégalités et des violences. Quand on voit qu'un pays comme la Chine se rapproche des 160 millions de chômeurs, on voit bien qu'il y a un besoin de régulation. En même temps, je ne pense pas que ce soit en coupant les couilles (sic) aux patrons, comme le crie Arlette Laguiller ou Henri Emmanuelli, qu'on règlera la situation. Ce dont on a besoin, c'est d'une régulation décidée par le plus grand nombre.

Vous avez une formation d'ingénieur : qu'est-ce qui vous a mené à l'action politique ?

Disons que je devenais schizophrène quand je travaillais chez Andersen : en effet, je travaillais la semaine sur des problèmes de production de "re-engineering". Et le samedi, dans le cadre de mes activités à ATD-Quart Monde, j'observais les dégats du libéralisme. Et j'ai voulu sortir de cette schizophrénie, comprendre ce qui se passait et dès lors j'ai arrêté le business.
Comme je vous l'ai dit, j'ai été déçu par le PS, puis il m'a semblé qu'ATD-Quart Monde ça n'était pas assez. Je suis alors allé travailler avec Gilles de Robien, ce qui a donné la première loi sur la réduction du temps de travail. Et l'année dernière j'ai fondé Nouvelle Donne. Je crois que les partis sont incapables de courage et de vérité, dès lors il s'agit de leur donner un coup de pied aux fesses. Nouvelle Donne se veut un lieu de réflexion, ce que les partis ne sont plus. Et l'on essaie d'organiser la réflexion : en effet, on se contente souvent de réfléchir sur un secteur en pensant que les autres restent immobiles. A Nouvelle Donne, on essaie de lier tous les secteurs et de les penser ensemble : l'Europe, le local, on veut aussi dire aux gens : "prenez vos responsabilités". La Loi d'Initiative Populaire, c'est aussi ça : on dit aux gens "au lieu de grogner, prenez vos reponsabilités, en tant qu'élève, que professeur, etc".

Question signature, vous en êtes où ?

470 à peu près. C'est dur, je sors moi-même d'une rencontre avec des élus à Périgueux, on essaie d'en récolter un maximum ! On rencontre parfois aussi des oppositions : Jean Glavany a fait annuler une rencontre-débat à laquelle il devait participer avec moi, en menaçant les élus de réprimande : finis les postes, finis les subventions, etc. Mais on se battra jusqu'au bout.

Que comptez-vous faire après que le Conseil d'Etat ait rejeté votre référé où vous demandiez au CSA de faire respecter les temps de parole ?

Nous allons porter l'affaire à la cour européenne de justice. Plusieurs juristes nous ont confirmé que le raisonnement du Conseil d'Etat ne tenait pas debout. Et puis je suis candidat, nous n'avons eu aucun temps de parole excepté quelques minutes sur France 2. Pourtant, nous avons fait de meilleurs résultats que la LCR aux législatives, nous sommes donc représentatifs. D'un simple point de vue démocratique, c'est insensé, il n'y a qu'en France que le système soit vérouillé comme ça.

Vous dites que vous prenez bien que l'on vous qualifie de "rocardien". Qu'est-ce que cela peut signifier aujourd'hui ?

L'essentiel je crois, c'est la volonté de tenir un discours de vérité aux Français, de s'adresser à leur intelligence et de clarifier les débats. Regardez Pierre Mendès-France, qui s'adressait toutes les semaines aux français pour leur demander leur avis sur les problèmes du moment, en exposant les choix à faire. C'est peut-être ça l'essentiel : instaurer les conditions d'un vrai débat collectif.

 
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