Qui veut la peau de la Vème République ?
par Caroline Cordier - publié le 07/03/02 - réagir
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La Vème République est en "décomposition", les Français font la "grève du vote" et la présidentielle n'est qu'un "concours de beauté"... Menée par le socialiste Arnaud Montebourg, la Convention pour la VIème République (C6R) veut en finir avec nos institutions. Vaste programme.
La France est toujours sortie d'une République à l'occasion de chocs violents : la seconde finit par un coup d'Etat en 1851, la IIIème meurt avec la défaite de 1940 et l'installation du régime de Vichy, la IVème se disloque avec la guerre d'Algérie. Vivrions-nous aujourd'hui les derniers jours de la Vème ? La Convention pour la 6ème République (C6R), menée par le tonitruant Arnaud Montebourg, avocat et député socialiste, tente d'en convaincre les candidats à la présidentielle.
Crise de confiance Mais que reprochent les animateurs de la C6R à la Vème République ? Dans une lettre envoyée aux candidats à l'élection présidentielle, ils exposent aujourd'hui leurs griefs. La Vème République serait en pleine "décomposition", "devenue aujourd'hui un sujet de moquerie internationale : corruption, panne de la réforme, perte d'autorité". Considérant que l'action politique est discréditée, les instigateurs de la C6R veulent engager de profondes réformes pour que les citoyens retrouvent confiance en leurs institutions. Constituée "de citoyens par milliers, d'élus locaux en nombre et de parlementaires de sensibilités diverses", la Convention avertit les candidats que la démocratie est véritablement en danger : "La crise de confiance est si sévère que nos concitoyens s'adonnent désormais à une provocante grève du vote dont la démocratie est la première victime." A l'heure où les analystes prévoient un record d'abstention pour le premier tour, l'argument a un certain poids. Les solutions ? Associer plus directement les citoyens aux décisions. Par exemple en instaurant le référendum d'initiative populaire et d'initiative locale, ainsi que le vote des étrangers aux élections locales. La C6R veut aussi abolir tout simplement le Conseil constitutionnel, pour le remplacer par "une Cour constitutionnelle dont la saisine appartiendrait aux seuls citoyens". Pour les 1350 personnes qui ont rejoint la Convention, cette nouvelle République serait donc plus propre et le pouvoir législatif renforcé par rapport à l'éxécutif.
Nettoyer les écuries Pour réaliser la prouesse de moraliser la vie politique, la C6R propose une série de mesures concrètes : le mandat unique parlementaire, la limitation à trois mandats consécutifs des fonctions électives, la démission obligatoire de la fonction publique des hauts fonctionnaires en cas d'élection ou de nomination à des fonctions ministérielles, l'instauration d'un statut des élus et l'interdiction définitive d'exercer des fonctions électives ou exécutives pour toute personne condamnée pour un crime ou un délit grave. En clair, on nettoie les écuries d'Augias. Le projet compte aussi redonner ses lettres de noblesse au pouvoir législatif. La C6R veut "renforcer enfin les pouvoirs de contrôle et de décision du Parlement" grâce à plusieurs modifications : augmentation de la maîtrise de l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, rétablissement de l'interpellation ministérielle, augmentation des pouvoirs d'enquête des commissions parlementaires, notamment sur les nominations aux emplois publics et sur l'utilisation des finances publiques, rapprochement de la Cour des comptes et du Parlement et suppression de l'article 49-3 de notre actuelle Constitution, qui permet des passages en force du gouvernement en interdisant aux parlementaires d'amender un texte de loi. Que devient le Sénat ? Une sorte de "Chambre des régions" : "La révolution du Sénat et des collectivités locales passe par l'élection au suffrage universel dans un cadre local à la proportionnelle intégrale de manière à représenter les minorités régionales ou nationales et par la suppression des départements à terme et la redistribution des compétences à la Région et aux futurs pays ou agglomérations." Dans cette lettre aux présidentiables, donc, beaucoup de bonnes intentions et un discours plutôt policé pour interpeller les candidats sans trop les choquer. Pourtant, quelques mois plus tôt, des idées beaucoup plus radicales ont été développées...
Langue de bois et belle gueule L'âme de la C6R, c'est Arnaud Montebourg. Le 8 décembre dernier, sept mois après la création de la Convention, c'est lui qui animait les débats lors de la première assemblée générale, tenue dans un bâtiment annexe de l'Assemblée nationale. Rendu célèbre pour sa lutte contre l'argent sale, les paradis fiscaux, mais surtout sa "proposition de résolution" visant à faire comparaître le président devant la Haute Cour de justice, celui qu'on appelle souvent le chevalier blanc n'était pas avare de petites phrases : "Le projet du PS se limite, à quelques asparagus près, à la suppression de l'article 16 de la Constitution (qui autorise le président de la République à assumer temporairement des 'pouvoirs exceptionnels')", se moquait-il, à propos des réformes des institutions prévues par le PS. Pour Montebourg, rien d'étonnant : "Celui qui s'est chargé du projet est président du conseil général et député de l'Isère : André Vallini. Bravo à lui ! Là-dessus est passée Martine Aubry. Il a fallu encore passer le rabot !". Le sémillant avocat voulait alors purement et simplement supprimer le Sénat et affaiblir la Présidence de la République. "La présidentielle ? C'est un concours de langue de bois et de belle gueule", avait alors déclaré M. Montebourg. Plus que le mode d'élection, l'important est que le chef de l'Etat soit "responsable" devant le Parlement. "Le Sénat ? Tout le monde en a fait son deuil, mais le mort est encore vivant. Je propose que la C6R fasse la mise en bière". Rires dans l'auditoire de 250 personnes. La conclusion venait en forme d'erreur fatale pour la Vème : "Il faut changer le disque dur et, accessoirement, le logiciel. Pas seulement la disquette, tous les cinq ans : la gauche, la droite, la gauche..." Un président élu au suffrage indirect, un exécutif responsable devant le Parlement ? Un Parlement puissant probablement divisé par les luttes partisanes ? Quelle innovation ! Cela ressemble drôlement à la IIIème ou IVème République, où le chef de l'Etat "inaugure les chrysanthèmes" tandis que les gouvernements se succèdent, sans cesse renversés par l'Assemblée...
Mariage à l'italienne A gauche, la réforme des institutions est bien dans l'air du temps. Dans sa critique du PS, Arnaud Montebourg n'a pas cité un autre projet ambitieux, proposé par un autre élu socialiste. En effet, Vincent Peillon, actuel porte-parole du PS, propose lui aussi une "rupture" mais, sachant qu'il serait minoritaire dans son parti, le député de la Somme l'a présenté discrètement : le 7 novembre dernier, il l'a rendu public dans un rapport élaboré avec Philippe Guibert pour la Fondation Jean-Jaurès, intitulé "Une démocratie moderne". Le projet de Peillon tend aussi vers une VIème République, mais lui souhaite un régime présidentiel, dont le plus pur exemple est le régime des Etats-Unis. Régime présidentiel ? En théorie constitutionnelle, il existe une classification simple : régime présidentiel (les Etats-Unis en sont l'exemple le plus pur) ou régime parlementaire (à l'exemple de la France ou de la Grande-Bretagne). Les différences ? La plus importante est l'existence ou non de moyens d'action d'un pouvoir sur l'autre : en régime présidentiel, exécutif et législatif sont strictement séparés. Chaque pouvoir remplit sa fonction sans être sanctionné par l'autre. Dans un régime parlementaire, les pouvoirs collaborent, n'exercent pas exclusivement leur fonction et disposent de moyens de sanction les uns sur les autres (droit de dissolution et motion de censure). Culturellement aux antipodes, le régime présidentiel a pourtant déjà été appliqué en France : la IIème République, fondée en 1848. Mais le seul exemple de régime présidentiel appliqué en France et qui correspond à ce que désire Vincent Peillon s'est soldé par un coup d'Etat. Un constitutionnaliste a comparé le régime présidentiel à "un mariage à l'italienne, sans divorce possible". En cas de conflit entre le Président et la Chambre, aucun mécanisme n'était prévu pour débloquer la situation. En 1851, quand Louis Napoléon Bonaparte, Président de la IIème République, entre donc en conflit avec l'Assemblée sur la non-rééligibilité du Président, le conflit ne peut être tranché : le futur Napoléon III fait un coup d'Etat après trois ans de pouvoir.
Coup d'état permanent Aussi lointain qu'il soit, ce souvenir du coup d'Etat du 2 décembre 1851 a laissé des traces chez les poltiques : une défiance envers le pouvoir exécutif qui tente de s'arroger les prérogatives du pouvoir législatif par la force ou les textes. Et François Mitterrand fut un des plus fervents critiques de ce pouvoir exécutif, sans cesse enclin à abuser de son pouvoir. Elu dans la Nièvre, un département où la "chasse aux républicains" fut très vive sous le Second Empire, Mitterrand comparait même 1851 à 1958 : "Entre De Gaulle et les républicains, il y a d'abord, il y aura toujours le coup d'Etat." La différence entre les deux ? Si plus de sang a coulé en 1851 qu'en 1958, la naissance de la Vème République avec l'arrivée au pouvoir du Général de Gaulle est tout aussi contestable car on a ici affaire à un "coup d'Etat permanent", explique Mitterrand dans un brillant pamphlet paru en 1964. 17 ans plus tard, une fois élu, le candidat socialiste s'était pourtant extrêmement bien adapté aux "monarchistes institutions", sans abandonner une parcelle de son présidentiel pouvoir. S'il n'a pas le talent de plume mitterrandien, Arnaud Montebourg s'est tout de même fait lui aussi fait remarquer par un essai sur la Vème République intitulé "La Machine à trahir", paru en 2000. Comme Mitterrand, il y critique également la tentation autoritaire en germe dans les organes exécutifs. Mais gageons que ses attaques sur la Vème République perdront en virulence si celui qu'il appelle de ses vœux accède à la magistrature suprême. En effet, si Jospin était élu, Montebourg et ses soutiens auraient sûrement bien du mal à lui demander de saborder son propre pouvoir. Par contre, ils pourraient caresser l'idée que des socialistes tournent définitivement la page du gaullisme en abolissant l'acte fondateur de la Vème République. Balayer l'œuvre du Général, le père fondateur, pour affaiblir ses ouailles RPR... Pour ces derniers, la récente rencontre entre l'avocat Montebourg et le juge Halphen pourrait fournir un indice dans ce sens.
INTERVIEW
Alexis Bachelay
"Il faut changer le politique pour changer de politique."
Alexis Bachelay, 28 ans, est fonctionnaire territorial et secrétaire général adjoint de la C6R.
Vous avez envoyé une lettre pour interpeller les candidats sur votre projet. Ont-ils répondu ?
Nous avons envoyé la lettre à tous les candidats déclarés sauf les candidats non-républicains (Le Pen et Mégret). A ce jour, deux ont répondu (Corinne Lepage des écologistes RPR CAP21 et Jean Saint-Josse, Chasse, Nature, Pêche, Tradition) et un a adhéré à la C6R (Noël Mamère, Verts). Corinne Lepage affirme qu'elle est d'accord avec l'ensemble de nos propositions à l'exception de la transformation du Conseil constitutionnel en Cour constitutionnelle. Jean Saint-Josse ne souhaite pas se prononcer sur le fond de nos propositions et s'est contenté de nous faire parvenir sa profession de foi. Noël Mamère a précisé qu'il défendait une 6ème République depuis longtemps et qu'il était favorable à l'ensemble de nos propositions.
Quels sont les soutiens de la C6R ?
Une dizaine de députés a déjà adhéré à la C6R sur la base des 30 premières propositions dont : Marie-Hélène Aubert (Verts), Jean Codognes (PS), François Colcombet (PS), Paul Dhaille (PRG), Dominique Dupilet (PS), Gérard Gouzes (PS), Noël Mamère (Verts), Arnaud Montebourg (PS), Geneviève Perrin-Gaillard, Jean Pontier (PRG), Michèle Rivasi (app. PS), Joseph Rossignol et Yvette Roudy (PS). Parmi nos personnalités publiques, des responsables associatifs, politiques (PC, PS, MDC, PRG, UDF), des universitaires (Jacques Généreux, Bastien François, Laurent Bouvet) et de nombreuses personnalités de la société civile. Nous avons aujourd'hui près de 1300 adhérents et 500 sympathisants répartis
dans 50 comités locaux (communes et/ou départements) dont Paris, Lyon, Marseille, Montpellier, Nice, Toulouse, Caen, Rouen, Lille, Mulhouse, Reims, Orléans, les comités étudiants...).
Ne pensez-vous pas que c'est ce que l'interprétation que les hommes en poste font des institutions, plus que les institutions, qui pose problème ?
Vous posez le problèmes des pratiques politiques d'un coté et du fonctionnement des institutions de l'autre.
Il nous semble que les deux sont indissociables et qu'il s'agit d'un seul et même problème. Prenons un exemple concret : le cumul des mandats. Pendant longtemps, la réglementation concernant l'exercice des mandats représentatifs était faible. Résultat : une majorité d'hommes s'est accaparé la quasi-totalité des mandats électifs disponibles jusqu'à la loi de 1985, qui limitait le cumul à deux mandats et créait quelques incompatibilités. Mais beaucoup reste à faire sur les conditions d'exercice (véritable statut de l'élu) ou les conflits d'intérêt potentiels (incompatibilité), par exemple. Ce refus d'encadrer sérieusement l'exercice des mandats électifs a eu des
implications très graves sur le fonctionnement de nos institutions : népotisme, exclusion des femmes, conflits d'intérêt, corruption, carrières interminables et tout cela a débouché in fine sur la crise de la représentation que nous vivons avec une dégradation forte de l'image de la politique dans notre pays. Dans ce cas précis, les institutions dysfonctionnent à cause des hommes et vice et versa. Il nous semble indispensable d'inscrire dans le marbre et donc dans les institutions, certaines règles, comme on l'a fait pour la parité et notamment plusieurs dispositions concernant l'exercice des mandats électifs.
Le projet de Constitution que vous proposez ne risque-t-il pas de mener à une IVème République, un régime d'assemblée instable ?
Les faiblesses de la IVème République, qui ont discrédité le régime parlementaire en France, étaient liées à deux facteurs : un contexte de guerre civile en Algérie, face à laquelle beaucoup de régimes se serait effondrés et un mode de scrutin à la proportionnelle qui empêchait la formation d'une majorité stable au sein de l'Assemblée et provoquait une instabilité gouvernementale insupportable. Il est impératif que le mode scrutin demeure majoritaire afin que le Premier ministre dispose d'une majorité stable. La 6ème République, ce n'est pas revenir à un régime d'assemblée qui n'existe nulle part au monde. C'est au contraire un régime parlementaire comme en Angleterre ou en Espagne, où les députés peuvent exercer pleinement la souveraineté que le peuple leur a délégué. Cela implique que les députés puissent avoir un véritable pouvoir d'initiative dans le domaine législatif (aujourd'hui, seuls 4 % des lois sont d'origine parlementaire) et surtout, qu'ils puissent contrôler que les lois votées sont bien appliquées. Qui fait aujourd'hui ce travail ? Le gouvernement, et il ne peut pas être à la fois à l'initiative et au contrôle. Ou alors la Cour des comptes mais quelle est sa légitimité ? Elle n'en a pas et ses décisions n'ont en général aucune conséquence. Le problème principal dans notre pays, ce n'est pas tant la production de textes législatifs ou réglementaires que la vérification de leur mise en oeuvres dans les administrations, les institutions et le degré de satisfaction des citoyens. Aujourd'hui de plus en plus de nos concitoyens ne se reconnaissent plus
dans les décisions prises en leur nom.
Arnaud Montebourg a déclaré en décembre dernier qu'il voulait supprimer l'élection du Président au suffrage universel du Président de la République. Avez-vous abandonné cette idée ? Voulez-vous d'un exécutif à tête unique ?
Le problème n'est pas tant de savoir si il y a ou non un Président, mais de savoir qui décide de quoi dans ce pays.
Avec la cohabitation, on peut avoir un Premier ministre qui dit blanc et un Président qui dit noir. Vous avez déjà vu ça ailleurs, vous ? Hors cohabitation, nous avons un Président omnipotent et irresponsable avec un Premier ministre et une assemblée aux ordres... Nous proposons que le véritable chef de l'exécutif soit le Premier ministre car il est responsable devant le Parlement. Dans ce cas, le Président de la République devient le garant de la
continuité de l'État et conserve éventuellement le pouvoir de dissoudre, mais il n'exerce plus aucune prérogative gouvernementale. Dans ce cas, faut-il déplacer 40 millions de Français pour élire une reine d'Angleterre ?
Que devient le Sénat dans votre projet ? Est-il supprimé ou devient-il consultatif ?
Dans la VIème République, le Sénat devient la seconde chambre. Actuellement, c'est une chambre des Lords à la française, une anomalie démocratique, comme disait il y a peu une personnalité publique. Le mandat des sénateurs sera réduit à 5 ans et ils seront élus à la proportionnelle intégrale dans un cadre régional. Ainsi, nous aurons dans ce pays une chambre où toutes les sensibilités politiques de la vie politique française seront représentées et reconnues. Dans le même temps, on ne touche pas à l'équilibre entre les deux chambres, et l'Assemblée nationale conserve le dernier mot.
Le porte-parole du PS, Vincent Peillon, propose lui d'instaurer en France un régime présidentiel. Qu'en pensez-vous ?
Vincent Peillon postule que les Français aiment élire un Président de la République au suffrage universel. Et comme il n'est pas satisfait non plus des institutions actuelles, il propose un saut dans le vide vers un régime
présidentiel à l'américaine. Nous pensons que c'est contraire à notre ambition républicaine. Le régime présidentiel, c'est un régime d'empêchement des pouvoirs. La plupart du temps, c'est l'organisation d'une cohabitation entre un président et une assemblée élus. Que fait-on s'ils ne sont de la même couleur politique ? Cela peut aboutir à l'impuissance du politique, ce qui correspond parfaitement à la vision libérale des Américains, qui se méfient des
pouvoirs. Mais en réalité, ce ralliement à un régime présidentiel est un constat d'impuissance par rapport à la situation actuelle, c'est à dire l'impossibilité de contrôler réellement UNE personne élue par des millions d'autres. Alors on essaye d'aménager un contre-pouvoir parlementaire. A un moment donné, il faut avoir le courage de ses opinions et ne pas essayer de concilier les contraires. Si nous voulons de la responsabilité à tous les
étages, on ne doit pas conserver un président élu au suffrage universel avec des prérogatives gouvernementales. Il faut choisir entre un Premier ministre qui gouverne ou un Président qui gouverne.
Les Français sont-ils prêts à changer de Constitution ?
Les Français ont envie de tourner la page de la Vème République. Ils ne font plus confiance à leurs hommes politiques. Par conséquent, les institutions sont discréditées. Comment regagner la confiance de citoyens qui se livrent à une insolente grève du vote ? Nous proposons pour commencer de changer de disque dur et pas seulement de
logiciel. L'insatisfaction par rapport aux hommes politiques est grandissante. Additionnez les non-inscrits, les abstentionnistes, le vote blanc et les partis protestataires et vous aurez une idée du rejet du politique institutionnel. Les grands partis de gouvernement représentent de moins en moins d'électeurs. Les Français sont-ils prêts à changer de Constitution ? Il faudrait leur poser la question. Aucun grand parti ne s'y engage. Cela prouve le bien-fondé de notre démarche citoyenne. Nous nous battrons jusqu'à ce que cela soit inscrit à l'agenda politique.
Avec les attaques nombreuses et personnelles contre Jacques Chirac, à travers vos tracts humoristiques, ne risquez-vous pas de voir votre projet constitutionnel occulté, décrédibilisé ou résumé à une arme électorale ?
Ne soyons pas aveugles. Beaucoup de gens nous ont rejoint car ils sont écoeurés du système d'impunité qui règne encore au sommet de l'État. Chirac n'est que l'ultime avatar de ce système. Comme nous ne sommes pas des pisse-vinaigre, nous préférons en rire, un peu comme le font les Guignols. Cela ne nous empêche pas, vous vous en doutez, d'avoir des analyses et des propositions qui sont très sérieuses et j'en veux pour preuve le fait
qu'une dizaine de parlementaires et de nombreux élus locaux ont déjà adhéré. D'ailleurs, nous avons interrogé tous les candidats à l'élection présidentielle, y compris Jacques Chirac. Nous attendons sa réponse...
Que pense le Parti socialiste de votre projet ?
Le PS ne pense plus beaucoup en ce moment. Il est très réservé car c'est devenu avant tout un parti de notables avec tous les travers que cela comporte : cumul, professionnalisation, longévité, réflexes conservateurs, etc. Pourquoi voulez-vous qu'il soutienne que des changements en profondeur sont nécessaires alors qu'il est au pouvoir depuis 5 ans ? Nous espérons malgré tout que des militants et des élus de ce parti partageront notre constat et qu'ils feront évoluer les positions de leur parti vers celles de la C6R. Je ne veux pas paraître trop cruel, mais certaines de nos propositions sont dans les programmes du PS depuis 10 ou 20 ans...
Comptez-vous agir à d'autres reprises dans la campagne ? Quels sont vos projets ?
Oui, le 20 mars prochain, nous organisons dans plusieurs grandes villes, "un printemps de la République", où nos adhérents ouvriront des cahiers de doléances afin que les citoyens s'expriment sur les changements qu'ils souhaitent. Des thèmes tels que l'Europe, la citoyenneté, la démocratie sociale, la décentralisation ou la réforme du service public feront l'objet de débats. Ensuite, nous écrirons aux candidats aux élections législatives pour les sensibiliser au mouvement d'opinion que reflète la C6R. Nous publierons ensuite les réponses afin que nos adhérents et les citoyens se forment une opinion. Car en réalité, ce sont les législatives qui confirmeront ou pas le choix issu des présidentielles... Ensuite, à l'instar d'ATTAC pour l'économie, nous souhaitons devenir un mouvement d'éducation populaire sur les institutions. Nous défendons une République démocratique et sociale, une République des citoyens. Si plus d'un millier de personnes se mobilisent en à peine 6 mois, autour de l'idée qu'il faut rénover la République en profondeur, changer le politique pour changer de politique, alors tout est possible. Aujourd'hui, les institutions sont devenues un élément de fossilisation des acteurs et des politiques publiques. Avant de promettre des réformes qui ne se font jamais, il faut remettre la puissance publique sur ses pieds après de longues
années de dysfonctionnements et des rendez-vous ratés. Cela ne pourra se faire qu'avec les citoyens eux-mêmes. Je citerai enfin Jean Jaurés : "Sans la République, le peuple est impuissant mais sans les citoyens, la République est vide."
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