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Faut-il être malhonnête pour être président ?

par Caroline Cordier - publié le 20/02/02

Les affaires se multiplient et Jacques Chirac est le premier visé. Pourtant, il reste favori de l'élection. Les Français se moquent-ils donc des problèmes judiciaires des candidats ?

L'électeur est un animal politique bien paradoxal. A la question "Diriez-vous que c'est un homme est honnête ?", 67 % répondent oui pour Jospin, 66% pour Chevènement mais seulement 41% pour Chirac (1). Pourtant, le Président reste mystérieusement en tête des intentions de vote, largement devant le Premier ministre : 25% au 1er tour (contre 20% pour Jospin) et 53% au second (47% pour Jospin) (2). Bizarre... Regardons de plus près les sondages récents : les Français jugent les trois gros candidats sur plusieurs critères et Jacques Chirac est en queue de presque tous les tiercés !(1) "A qui vous faites confiance ?" : Jospin (48%), Chevènement (47%), Jospin (39%). "Qui vous paraît crédible ? : Jospin (57%), Chevènement (55%), Chirac (48%). Seul bémol : les Français se sentent plus proches de Chirac que de Chevènement (Jospin est en tête) et ils se sentent plus impressionnés par Chirac que les deux autres. Bien évidemment, les derniers chiffres sont à relativiser : la hausse récente de la cote de Chirac peut n'être qu'un effet d'annonce suite à sa candidature. Il n'empêche que les Français n'ont pas l'air de vouloir voter pour des modèles de vertu, loin s'en faut. Pourquoi ?

"Il est pourri mais c'est un bon maire."
L'année dernière est apparue l'expression "prime à la casserole". De là à penser que les boulets judiciaires sont en fait des atouts... On se rappelle que les dernières municipales de mars 2001 ont vu la réelection de personnalités condamnées par la justice dans des affaires de corruption, comme le RPR Patrick Balkany à Levallois ou le PS Jacques Mellick qui a fait 49% à Béthune. Pour Valéry Turcey, président de l'Union syndicale des magistrats, c'est la preuve que les électeurs placent bien la justice et la politique sur deux plans différents : "J'ai entendu des gens dire "Il est pourri mais c'est un bon maire"... Quand un magistrat sanctionne un élu qui a commis une infraction, il ne porte pas a priori un jugement sur la qualité, bonne ou mauvaise, d'un maire, d'un député, ou d'un président de la République. Je crois qu'un certain nombre de citoyens ou d'électeurs préfèrent un élu condamné par la justice mais de chez eux, qu'ils connaissent, qui a l'accent du pays, qui est présent dans la ville, à un élu non-condamné, mais ressenti comme plus absent, voire comme étranger."(3)

Au niveau national, les électeurs semblent penser que l'on n'arrive pas à devenir président sans avoir poignardé, trahi, menti... Mieux, ils ne veulent pas forcément savoir ce qui se passe dans les cuisines présidentielles. Pour eux, tous les présidentiables sont passés par la case "déloyauté". Le prestige de la fonction va de pair avec une relative indulgence quant aux moyens employés pour y arriver. Le secret est inhérent à la présidence... Ils rejoignent là le Général de Gaulle, pour qui "le prestige ne peut aller sans mystère car on révère peu ce qu'on connaît bien. Tout les cultes ont leur tabernacle et il n'y a pas de grand homme pour ses domestiques." (4) Dans leur grande sagesse, ils comprennent aussi que la conquête du pouvoir nécessite beaucoup d'argent et considèrent comme un péché véniel le détournement de fonds à des fins politiques, par rapport à une corruption pour enrichissement personnel. On pardonne ainsi aux hommes politiques de son camp en se disant que la pratique est générale. Comme le souligne l'analyste politique Gilles Martinet, "il faudrait alors mettre en accusation beaucoup de monde et notamment nos cinq présidents, pense le grand public. (...) Ainsi, Jacques Chirac faisant profiter le RPR du budget de la Mairie de Paris, cela ne choque pas ses partisans. En revanche, ils se sentent gênés lorsqu'ils apprennent que de nombreux voyages privés ont été vraisemblablement payés par la caisse de la Mairie ou par des fonds secrets, alors que les sommes en cause sont infiniment plus faibles." S'ils semblent avoir renoncé à être toujours dirigés par des hommes politiques honnêtes, les Français vont en fait tout simplement demander aux candidats actuels de tenir leurs engagements : le Président et le Premier ministre sortants sont condamnés à présenter des projets cohérents et à convaincre sur le fond. Surprenante conclusion... Face à la multiplication des affaires et des coups bas, les Français veulent en fait qu'on arrête de s'attarder sur le passé pour se pencher sur l'avenir politique du pays. Le vote a ses raisons que la morale ignore.

(1) Sondage Ipsos-Vizzavi-Le Point-France2 (8-9 février 2002)
(2) Grand baromètre Ipsos-Le Figaro-Europe 1 (15-16 février 2002)
(3) Interview dans "Où vont les juges ?", Daniel Schneidermann et Laurent Greilsamer, Arthème Fayard, 2002.
(4) in "Les clés de la V° République", Gilles Martinet, Seuil, février 2002.

Interview de Romain Pache

Romain Pache, ancien directeur des instituts de sondage BVA et de Louis Harris. Propos recueillis par Alexandre Piquard.

Faut-il être pourri pour être président ?

C'est vrai que les électeurs ne semblent pas avoir de problèmes à voter pour des gens corrompus. Les cas les plus typiques sont ceux de Jacques Mellick (49% au second tour des municipales à Béthune) et de Patrick Balkany (réélu à Levallois) alors qu'ils avaient été condamnés dans des affaires avérées. Il y aussi le cas Emmanuelli, condamné en tant que trésorier du PS mais réélu triomphalement dans les Landes. Ce n'est pas un déni de justice mais la sanction du scrutin va à l'encontre de l'avis des juges. Cela montre à quel point les électeurs relativisent les éléments liés a la corruption.

Le cas de Jacques Chirac est-il particulier ?

Je ne vois pas de spécificité propre à Chirac, plutôt un relatif discrédit de la classe politique, plus général. Donc, si les affaires portent sur l'un ou l'autre des candidats précisement, ça ne touche pas les électeurs directement qui se disent que tout le monde a été lié aux affaires dans la classe politique. D'une certaine façon, le discrédit général protège chaque homme politique en particulier. Ce qui relativise les affaires, c'est le sentiment qu'elles sont partagées par tous. Les électeurs mettent un peu tout le monde dans le même sac. D'ailleurs, on le voit dans la défense de Chirac, qui consiste à dire que les affaires sont liées à des pratiques d'il y a 10 ou 15 ans, partagées par tous les partis.

Les électeurs ont donc renoncé à avoir des dirigeants propres ?

Oui, parce qu'ils ont le sentiment que tous les hommes politiques sont mouillés et qu'il serait donc illusoire de vouloir être quelqu'un de propre. Il faut aussi noter que les affaires sont rarement liées à des histoires d'enrichissement personnel. Dans le cas de Chirac, on a énormement de choses, comme la cassette Méry ou les billets d'avion payés en liquides, qui concernent des sommes importantes. Mais la révélation de ces affaires a été très concentrée sur quelques mois et sa cote de popularité n'en a pas du tout souffert. On constate donc que les affaires Chirac n'ont pas d'impact. Ca ne veut pas dire que les Français croient que ces affaires sont fausses mais qu'ils pensent qu'elles sont partagées par tous.

Les stratégies qui "remuent la merde" et mettent les affaires en avant sont donc contre-productives ?

Elles ne sont pas très productives en tout cas. On parle d'affaires "téléguidées" mais je crois au contraire que les politiques savent que ça a peu de sens, que ca ne détermine pas le vote.

Les candidats doivent donc s'interdire de tenir un discours "propre", même s'ils se sentent plus honnêtes ?

Oui, mais le discours personnel sur l'honnêteté n'est pas vraiment un discours politique. L'élection présidentielle n'est pas un concours de bonnes moeurs. On n'élit pas un juge mais un leader politique.

La tolérance face aux affaires est-elle une spécificité française ?

Il y a en France une ligne de démarcation très importante entre personnalité publique et privée. Aux Etats-Unis, les affaires sont beaucoup plus graves car le fait de ne pas etre honnête est considéré comme quelquechose de très grave. La raison est l'esprit puritain des Américains. La dernière élection présidentielle en a été un bon exemple : les médias ont montré qu'Al Gore avait menti sur un détail de date à propos d'une chanson que lui chantait sa nourrice et cela a été terrible. Aux Etats-Unis, le mensonge remet en cause la capacité à diriger. Les Américains n'ont pas voté Bush plus en raison de son honnêteté que de son intelligence extrême. En France, une affaire comme l'affaire Lewinsky n'aurait pas posé de problème. Ce qu'on juge avant tout, c'est le politique, le bilan et bien sûr les promesses, comme en témoigne l'élection de Jacques Chirac en 1995. Mais ceci est vrai dans la plupart des pays d'Europe. Un élément propre à la France est la tradition monarchique qui fait que le président est d'une certaine façon considéré comme un descendant des rois. Une affaire comme celle de Mazarine Pingeot, la fille illégitime de Mitterrand, le prouve. De l'argent de l'Etat a été utilisé pour elle et des fonctionnaires l'ont protégée. Aux Etats-Unis, cela aurait été un scandale énorme.

Est-ce qu'être pourri est finalement un avantage pour être élu ?

Non... Disons que ce n'est pas un handicap insurmontable... De toute façon, les hommes politiques les plus vertueux, les plus intègres, comme Mendès-France, Delors, Barre ou éventuellement Rocard, ne gagnent pas les élections. Les Français préfèrent élire un Mitterrand ou un Chirac...


Tante Yvonne

  Suite aux élections européennes de 1979, Jacques Chirac dut se rendre fréquemment à Strasbourg. Il partageait sa choucroute avec Charles Pasqua, Michel Debré, Maurice Druon, Nicole Chouraqui dans le restaurant "Chez Yvonne".



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