Peter
Pan Président
par Xavier
Molenat - publié le 09/02/02
Le
héros imaginaire se présente aux présidentielles de 2002. Imaginée par
l'artiste Pascal Pistone, la candidature inattendue du célèbre lutin veut
réhabiliter le rêve en politique. Vaste programme.
"Ne donner
le pouvoir qu'à ses rêves." Cette injonction n'est ni un slogan lu sur
les barricades de 1968, ni la signature de la dernière pub de SFR. C'est,
résumé en peu de mots, le programme du candidat Peter Pan pour les présidentielles
de 2002. Canular ? Pas du tout. Rien n'est plus sérieux pour Pascal Pistone,
31 ans, enseignant à l'université d'Evry et compositeur. Père du candidat
Peter Pan, ce franco-italien a fondé le "Collectif pour la Survie des
Rêves" lors des municipales de 2001 et mène aujourd'hui campagne depuis
son quartier général du 18ème arrondissement de Paris.
Voter
blanc ou voter Pan
Avec Pascal Pistone, Peter Pan en appelle à l'esprit utopique et enfantin
pour remédier à la crise de la représentation politique : "Il y a un Peter
Pan qui sommeille en chacun de nous." Il s'agit donc de retrouver cet
"esprit Peter Pan" qui se résume en quelques maximes : "ne pas marchander
son destin", "ne pas brader ses idéaux", "ne pas croire qu'avec de l'argent
on peut convaincre tout le monde"... Vaste programme. C'est lors des municipales
de mars 2001 que le héros du pays imaginaire a commencé sa carrière politique.
Dans l'isoloir, il n'y avait bien sûr pas de bulletin Peter Pan mais chacun
était invité à marquer le nom du héros ailé sur un petit papier et à le
glisser dans l'urne. Un vote qui sera comptabilisé comme nul mais, se
persuade Pascal Pistone, qui ne comptera pas pour rien.
Le pays imaginaire
de Peter Pan, c'est le 18ème arrondissement de Paris. Lors des municipales,
la trentaine de bénévoles du Collectif pour la survie des rêve y a battu
le pavé pour réveiller les consciences : tractage, collage de 3 000 affiches
"Votez Peter !", lâchers de ballons... L'initiative a son petit succès
médiatique et suscite surtout débats et rencontres. Dur alors d'éviter
l'effet-gag, quand on milite pour une sorte de lutin au regard malicieux
et à la tignasse verte. "Ce n'est peut-être qu'une toute petite gifle
aux hommes politiques mais c'est plus fort que le vote blanc", argumente
Pascal Pistone. Les quelques jeunes qu'il a convaincus de donner leur
voix à son Peter plutôt que de s'abstenir suffisent à faire sa fierté.
Electron
libre
Aujourd'hui, succès aidant, Peter remet ça pour la présidentielle et les
législatives. Peter suscite même les tentatives l'alliance. Pascal Pistone
a ainsi été contacté par le Concordat citoyen, un parti qui présente des
candidatures "vote blanc" aux élections législatives. Le père de Peter
Pan a refusé : la coloration "petit commerçant" de cette initiative le
décourage et Pascal Pistone tient absolument à maintenir la gratuité de
sa démarche. Aucun nom ne doit apparaître, aucun budget être dévoilé,
aucun enjeu électoral évoqué.
Pour expliquer
le mystère de son engagement pour un héros de fiction, Pascal
Pistone parle, sans pourtant y avoir bien réfléchi, des
obstacles qu'il a rencontrés lorsque, porteur d'un projet de salle
musicale à dimension sociale dans Paris, il s'est heurté
à l'immobilisme des institutions culturelles et au pouvoir municipal.
A force de non-réponses et de procédures interminables,
il a jeté l'éponge et s'est rabattu sur une initiative strictement
privée. Idem dans l'Education nationale, où la moindre proposition
subit l'enfer du processus administratif.
Peter
contre Big Brother
Ainsi Pascal Pistone se peint-il comme un mini-Peter Pan, dont le trop-plein
d'idées généreuses se heurte à la complexité
du monde. Cela lui a d'ailleurs inspiré la métaphore du
"Nako Global System" (voir sur le site), "l'ennemi de tous
les Peter Pan". Elaboré par Pistone et l'écrivain Jean-Charles Modet, le NGS est une sorte de "moloch" administratif
à la sauce Big Brother, un symbole de la "mondialisation"
à venir. Sur le site de campagne de Peter, Pascal Pistone met d'ailleurs
en scène les pouvoirs de surveillance et de fichage du NGS sur
Internet. L'appel à l'esprit du héros de conte se veut une
invitation à sortir de la routine institutionnelle : "L'esprit
Peter Pan réintroduit une certaine folie pour aller de l'avant
et prendre des risques. C'est en prenant des risques qu'on fait les meilleures
choses. Il manque cet entrain pour réaliser certains projets.",
résume l'entreprenant Pistone.
Comme beaucoup, Pascal Pistone regrette bien sûr aussi le manque de charisme
des hommes politiques, qui ne font plus rêver grand monde. "Les candidats
cachent ce grain de folie. Pourtant ça plaît aux électeurs. Et ceux qui ont
la démarche la plus engagée sont ceux qui vont à l'inverse de nos idées,
comme Le Pen.", regrette Pistone. "Peter Pan c'est celui qui enlève les
enfants mais c'est aussi celui qui les entraîne, c'est un meneur.", rappelle
le père du leader volant, non sans admiration.
Exception
culturelle trash
Personnage virtuel, Peter Pan a pourtant des convictions politiques bien
réelles. Pascal ne fait d'ailleurs pas mystère de ses sympathies
: il a toujours voté Verts, adhère à Greenpeace et
suit le mouvement ATTAC, sans s'affilier. N'a-t-il jamais entr'aperçu
la flamme de Peter Pan chez un de nos représentants ? Après
un long silence, Pascal Pistone concède, à moitié
gêné, qu'il a "peut-être" cru apercevoir
quelque chose chez Daniel Cohn-Bendit. Noël Mamère pourrait
peut-être aussi lui plaire "cela dépend, il faut encore
que je lise certaines choses.", explique-t-il.
On se demandera
comment un personnage popularisé par l'usine à rêves Disney peut devenir
un porte-drapeau d'un certaine forme d'anti-mondialisation. Pascal Pistone,
habité depuis des années par son héros, bondit : "Peter Pan, c'est pas
Disney, c'est pas l'Amérique. Le roman a été écrit par James Matthew Barrie,
un Anglais, c'est un symbole de l'exception culturelle européenne.", défend
celui qui a dans ses cartons un projet de comédie musicale inspirée du
personnage. "Le roman Peter Pan est même assez cruel. Il y a des morts,
ce n'est pas du tout édulcoré. Peter Pan peut être un emblème assez violent...
parfois même un peu trash.", justifie encore Pistone. Refusant la cartoonisation,
il a imaginé son Peter Pan en icône politique à la naïveté sauvage, une
sorte de jeune punk self-made man de l'utopie politique. De la création
théâtrale à message politique, Pascal Pistone passe donc au happening
politique à connotation artistique. Comme le candidat le plus inattendu
des présidentielles 2002, il ne fait pas de plan de carrière. Et croit
bien que l'impossible a sa place en politique : "Le happening vise simplement
à faire prendre conscience mais on ne sait jamais où ça va nous mener."
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