Sans-papiers
: où sont les candidats ?
par Xavier
Molenat - publié le 12/02/02
Près de 2000 personnes ont manifesté samedi 9 février
pour soutenir la cause des sans-papiers. Objectif : dénoncer la "trahison"
de Lionel Jospin et réinvestir la campagne présidentielle.
"Enfermez Jospin, libérez les sans-papiers !" Pour les
sans-papiers qui manifestaient à Paris samedi 9 février, Lionel Jospin
est l'homme aux trois casquettes. Il y a tout d'abord l'ancien candidat
aux présidentielles de 1995 et aux législatives de 1997. Pour se faire
élire, celui-là promettait d'abroger les lois Pasqua-Debré de 1993, que
les socialistes jugeaient alors proche des idées du Front National. Ensuite,
il y a Jospin l'actuel chef du gouvernement, qui a depuis longtemps tourné
le dos à ses promesses passées. Comme le gouvernement Juppé, il a perpetué
la politique de régularisation des sans-papiers au cas par cas. Enfin,
il y a le "disponible" candidat à la présidence de la République, qui
n'a pas vraiment envie de remettre le sujet sur la table. A celui-là,
le cortège qui défilait sous la pluie adressait un message amer : "Jospin
trahison ! Jamais président !"
Car pour les sans-papiers, le calvaire n'a jamais cessé : selon la Coordination nationale des sans-papiers, entre 100 000 et 150 000 personnes attendent encore des papiers en France. Pire, 2001 a été l'année du plus petit nombre de régularisations. Après avoir été un thème de campagne porté par les socialistes, la cause des sans-papiers risque aujourd'hui de ne pas émerger dans la campagne présidentielle, d'où cette première action, à suivre.
Où sont les candidats ?
Inlassablement, les sans-papiers doivent répéter les mêmes revendications
depuis bientôt sept ans : régularisation de tous les sans-papiers avec
la carte de séjour de 10 ans, arrêt des expulsions et fermeture des centres
de rétention, libération des tous les sans-papiers emprisonnés pour défaut
de papiers, abolition de la double peine... Enfin, ils demandent l'abrogation
des lois Pasqua, Debré et... Chevènement.
Samedi 9 février, au départ de Montparnasse, plusieurs organisations avaient répondu à l'appel : le MRAP (Mouvement contre le racisme pour l'amitié entre les Peuples) bien sûr, mais également la CGT, Lutte Ouvrière, le Parti Communiste, le syndicat SUD et la LCR (Ligue communiste révolutionnaire). Par contre, il n'y avait pas un présidentiable à l'horizon. Seul l'ex-candidat des Verts Alain Lipietz pointait le bout de sa pipe, apparemment chargé de représenter les Verts à lui tout seul. On aura compris que la question des sans-papiers dérange les prétendants à la présidence de la République. Pour le Vert Noël Mamère ou le Rouge Robert Hue, il est en effet délicat de critiquer la gestion politique de l'immigration d'un gouvernement auquel leur mouvement participe...
Place des grands hommes
Histoire d'appuyer là où ça fait mal, les organisateurs avaient prévu
qu'une délégation dépose une gerbe de fleurs au Panthéon, en l'honneur
des "grands hommes" de la Nation qui se sont battus pour une société plus
juste : Jean Moulin, Victor Schoelcher (qui abolit l'esclavage), René
Cassin (père de la Déclaration universelle des droits de l'Homme), Victor
Hugo, Emile Zola... "Ceux-là, précisait la Coordination Nationale, n'ont
jamais trahi". Malheureusement, un rideau de CRS barrait l'accès au monument
et la pluie battante ("Météo collabo !") obligeait le cortège à se disloquer
rapidement. Symboliquement, les plus courageux continuaient encore un
peu vers le Sénat. Le soir-même et le lendemain, les médias nationaux
ne relataient l'événement que de manière laconique. Reste une question
: quand tous les candidats sont occupés à rivaliser sur la sécurité, quel
homme politique redonnera de l'espoir aux sans-papiers ? Si ces derniers
sont bien sûr privés de vote, les électeurs qui les soutiennent ne doivent
pas rester sans réponse.
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